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La question de la rémunération du dirigeant est centrale dans la vie de l’entreprise.
Elle détermine non seulement la protection sociale et la fiscalité du dirigeant, mais aussi la cohérence financière et juridique de la société.

Salaire, dividendes, management fees, prestations techniques, rémunération du mandat social ou autre : chaque option obéit à un régime spécifique et présente des avantages et des contraintes.

Le choix du mode de rémunération doit donc être réfléchi en fonction du statut du dirigeant, de la forme sociale de la société et des objectifs de rentabilité et de sécurité juridique.

I. Les différents types de rémunération possibles

La rémunération découlant du mandat social

La rémunération du mandat social constitue la forme de rémunération la plus courante pour un dirigeant de société.     
Elle vise toute personne exerçant un mandat de représentation légale au nom et pour le compte de la société, qu’il s’agisse d’une société commerciale (SARL, SAS, SA), d’une société civile ou d’une association.

Pour ce type de rémunération, deux grands régimes sociaux coexistent :

  • le régime assimilé salarié, applicable notamment aux présidents et directeurs généraux de SAS ou SA, qui relèvent du régime général de la sécurité sociale (hors assurance chômage) ;
  • le régime des travailleurs non-salariés (TNS), applicable notamment aux gérants majoritaires de SARL, aux associés de sociétés civiles ou aux entrepreneurs individuels, qui bénéficient de cotisations moins élevées mais d’une protection sociale plus limitée.

Dans tous les cas, la rémunération du mandat doit être autorisée par les statuts ou une décision régulière des associés et proportionnée aux fonctions exercées, faute de quoi elle peut être requalifiée ou annulée.

Prestations techniques :

Lorsqu’un dirigeant exerce, en plus de son mandat social, des fonctions techniques distinctes (par exemple de conseil, d’ingénierie, de gestion de projet ou d’expertise sectorielle), il peut percevoir une rémunération spécifique, à condition que ces fonctions soient réelles, clairement identifiées et séparées de celles liées à la direction.

Cette rémunération peut prendre deux formes selon le cadre juridique retenu :

  • un salaire, si les fonctions s’exercent dans le cadre d’un lien de subordination caractérisé vis-à-vis de la société ;
  • une rémunération de prestation de services, lorsque le dirigeant agit à titre indépendant, par exemple dans le cadre d’un contrat de prestation technique soumis au régime des BNC ou des BIC.

Dans tous les cas, la société doit formaliser cette collaboration par un contrat écrit, soumis éventuellement au régime des conventions réglementées (art. L. 223-19 et L. 225-38 du Code de commerce), et veiller à la réalité économique et à la justification du montant versé.


À défaut, l’administration ou les tribunaux peuvent requalifier la rémunération en mandat social déguisé ou en salaire fictif, avec des conséquences sociales et fiscales importantes (redressement URSSAF, abus de droit ou abus de biens sociaux (par exemple (par exemple Cass. crim., 21 oct. 2009, n° 09-80.393)).

Dividendes :

Les dividendes rémunèrent le capital investi, non le travail. Ils bénéficient d’une fiscalité avantageuse (PFU de 30 % ou barème progressif avec abattement de 40 %). Toutefois, pour les gérants majoritaires de SARL, la part des dividendes excédant 10 % du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant est soumise aux cotisations sociales.

Les avantages en nature et dispositifs d’association à la performance

Les avantages en nature sont les biens ou services fournis gratuitement ou à prix réduit au profit du dirigeant : véhicule, logement, matériel, repas, etc. Ils sont évalués forfaitairement ou au coût réel, soumis à cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu. Ils doivent être autorisés et justifiés pour éviter toute requalification en abus de biens sociaux ou avantage occulte (par exemple (CAA Paris 8-4 2006, n°03-3941, 2ème ch. B, arrêt « Chanzy »). Les mandataires sociaux assimilés salariés sont pleinement concernés, tandis que les TNS bénéficient d’un régime plus souple mais d’une moindre couverture.

Les dispositifs d’intéressement et d’association à la performance permettent d’associer le dirigeant à la réussite économique de l’entreprise. Ceux réservés aux salariés incluent l’intéressement (C. trav., art. L. 3311-1 s.) et la participation (C. trav., art. L. 3322-1 s.), avec des exonérations fiscales si les sommes sont placées sur un PEE.

Les mandataires sociaux qu’ils soient salariés ou non, peuvent bénéficier d’attributions gratuites d’actions (C. com., art. L. 225-197-1) et de stock-options (C. com., art. L. 225-177), sous réserve qu’ils exercent une fonction effective et soient régulièrement nommés. En revanche, les BSPCE sont réservés aux dirigeants relevant d’un régime salarié ou assimilé salarié, notamment les présidents et directeurs généraux de SAS ou de SA, à l’exclusion des gérants relevant du régime des travailleurs non salariés (TNS).

II. Le régime fiscal et social des différentes rémunérations

Type de rémunérationRégime socialRégime fiscalTaux de charges approx.Observations
Mandat social – assimilé salarié (SAS, SA)Régime généralIR – traitements et salaires≈ 75 %Protection complète mais coût élevé
Mandat social – TNS (SARL majoritaire)Travailleur non salarié (TNS)IR – BIC/BNC assimilé≈ 45 %Moins coûteux mais couverture limitée
Salaire (cumul réel)Régime généralIR – traitements et salaires≈ 75 %Nécessite un lien de subordination réel
DividendesAucun (sauf SARL majoritaire)PFU 30 % ou barème IR0 à 17,2 %Fiscalité avantageuse mais aucun droit social
Prestations techniques hors salaireIndépendantsIR – BNC ou BIC≈ 45 %Convention réglementée à vérifier
AGA / Stock-options / BSPCEAucun à l’attributionPlus-value mobilière : PV imposée au barème ou PFU. Gain d’acquisition : IR/T&S ou BNC ou BICAGA/S-O : 0 % à l’octroi – prélèvement au moment de la cession (URSSAF). Cotisations salariales éventuelles de 10 % + 30 % cotisations employeur. BSPCE : prélèvements sociaux 17,2 % à la cessionInstruments incitatifs performants
Intéressement / ParticipationRégime salariéExonéré / IR différé≈ 20 %Réservé aux salariés
Avantages en natureRégime généralIR – traitements et salairesSoumis aux cotisations sociales selon le régime principal (salaire ou mandat)Soumis à justification et autorisation

III. Arbitrer entre les différentes rémunérations : le juste équilibre

Une stratégie de rémunération pertinente ne repose jamais sur un seul levier. Le tout-salaire est souvent trop coûteux ; le tout-dividendes, trop risqué.

Le bon équilibre dépend de la forme sociale, du statut du dirigeant et des objectifs de l’entreprise. Il convient de combiner rémunération de mandat pour la stabilité, dividendes pour la souplesse, et dispositifs incitatifs pour la performance.

Les conventions réglementées, procès-verbaux et justifications comptables sont essentiels à la sécurité juridique de l’ensemble.

IV. Les risques liés à la rémunération du dirigeant

Le contentieux en matière de rémunération du dirigeant reste dense : requalification URSSAF, abus de droit fiscal, abus de biens sociaux ou encore distribution occulte.

Les juges apprécient la proportionnalité de la rémunération et le respect du formalisme interne. Une absence d’autorisation ou une convention non approuvée peut conduire à l’annulation ou la restitution des sommes perçues ou à divers redressements. Une approche coordonnée entre la direction, l’expert-comptable et le conseil juridique est indispensable.

Conclusion

La rémunération du dirigeant est un outil de pilotage stratégique et juridique. Entre fiscalité, sécurité sociale et gouvernance, elle doit être pensée dans son ensemble, non au coup par coup.

Le cabinet Odrius Avocats accompagne dirigeants, associés et entreprises dans la structuration, la sécurisation et l’optimisation de leurs politiques de rémunération, en intégrant la réalité économique, les contraintes légales et la prévention des risques fiscaux ou sociaux.