L’ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025, entrée en vigueur le 1er octobre 2025, réforme en profondeur le régime des nullités en droit des sociétés. L’objectif : clarifier les causes de nullité, limiter les effets en cascade et renforcer la sécurité juridique des décisions sociales.
1. Un cadre légal modernisé
L’ordonnance de 2025 modifie les anciens articles L. 235-1 et suivants du code de commerce pour confier au Code civil, notamment à l’article 1844-10, le rôle de droit commun des nullités en matière de sociétés. Les causes de nullité sont désormais strictement encadrées : incapacité des fondateurs, absence du nombre minimal d’associés, ou atteinte à une règle d’ordre public. Les « actes ou délibérations » sont remplacés par la notion de « décisions sociales », afin d’unifier le traitement des décisions prises par les assemblées ou les organes de direction.
2. Le triple test : grief, influence et proportionnalité
Désormais, une décision sociale ne peut être annulée que si trois conditions sont réunies : grief, influence et proportionnalité. Le demandeur doit démontrer que :
- l’irrégularité lui a causé un préjudice,
- qu’elle a pu influencer le résultat du vote ou le contenu de la décision, et
- que la nullité ne doit pas entraîner de conséquences manifestement excessives pour l’intérêt social.
Ce mécanisme, inspiré du droit européen des sociétés, permet aux juges d’écarter les nullités purement formelles et de préserver la stabilité de la société.
3. La fin des nullités en cascade
L’un des apports majeurs de la réforme est la limitation des effets rétroactifs des nullités. Jusqu’ici, l’annulation d’une décision pouvait entraîner la nullité de toutes celles qui en découlaient.
Désormais, le juge peut différer les effets de la nullité ou en limiter la portée afin de protéger l’intérêt social et d’éviter un effet domino sur la vie de la société. Le délai de prescription de l’action en nullité est également réduit à deux ans, renforçant la sécurité juridique.
4. Rédaction des statuts : sécuriser les clauses pour éviter les nullités
La réforme des nullités impose une vigilance accrue lors de la rédaction ou révision des statuts, notamment dans les SAS, où la liberté statutaire est très large.
Certaines clauses trop rigides ou contraires à la loi peuvent fragiliser la validité des décisions sociales si elles ne sont pas respectées à la lettre. Par exemple, les clauses d’exclusion privant l’associé visé de son droit de vote ou du respect du contradictoire, les clauses de convocation imposant des délais ou formes excessivement stricts, les clauses de majorité ambiguës ou les clauses attribuant des pouvoirs sans base légale peuvent exposer la société à des actions en nullité.
Pour réduire les risques contentieux, il est possible d’intégrer dans les statuts des clauses de régularisation ou de préavis, permettant de corriger une erreur de procédure ou de respecter les droits des associés. Une clause de régularisation prévoit la possibilité de ratifier ou corriger une irrégularité sans que la décision soit automatiquement nulle. Une clause de préavis introduit un délai raisonnable avant l’application d’une mesure, par exemple en garantissant le respect du contradictoire et la préservation de l’intérêt social.
Ces mécanismes permettent de sécuriser la gouvernance et de démontrer, en cas de contentieux, que l’irrégularité n’a pas causé de grief réel.
5. À retenir
La réforme du 12 mars 2025 introduit un régime des nullités plus lisible et plus maîtrisé, recentré sur les irrégularités réellement préjudiciables.
Elle invite les acteurs du droit des sociétés à repenser leur stratégie, tant dans la prévention des risques que dans la défense de leurs intérêts en cas de litige.
Le cabinet Odrius accompagne dirigeants et associés dans ces problématiques, en conseil comme en contentieux, afin d’assurer la sécurité juridique de leurs décisions sociales.